Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/177

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gnent fort le rivage, où tant de choses dures les blessent, et, en pleine mer, le vent à chaque instant les retourne. Alors leurs cheveux-nageoires étant par-dessus, elles flottent à l’aventure, la proie des poissons, la joie des oiseaux qui se font un jeu de les enlever.

Pendant toute une saison passée aux bords de la Gironde, je les voyais fatalement poussées par la passe, jetées à la côte par centaines, sécher là misérablement. Celles-ci étaient grosses, blanches, fort belles à leur arrivée, comme de grands lustres de cristal avec de riches girandoles, où le soleil miroitant mettait des pierreries. Hélas ! quel état diffèrent au bout de deux jours ! le sable fort heureusement s’affaissait dessous, les cachait.

Elles sont l’aliment de tous, et elles-mêmes n’ont guère d’aliment que la vie peu organisée, vague encore, les atomes flottants de la mer. Elles les engourdissent, les éthérisent, pour ainsi parler, et les sucent sans les faire souffrir. Elles n’ont ni dents, ni armes. Nulle défense. Seulement quelques espèces (et non pas toutes, dit Forbes) peuvent, si on les attaque, sécréter une liqueur qui pique un peu, comme l’ortie. Sensation si faible, au reste, que Dicquemare n’a pas craint de la recevoir dans l’œil et l’a fait impunément.