Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/181

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semble y trouver toujours son salut. Les porpites et les vélelles craignent si peu l’Océan que, pouvant toujours surnager, ils font effort pour enfoncer, et, dès qu’il vient du gros temps, se cachent dans la profondeur.

Telle n’est pas la pauvre méduse. Elle a à craindre le rivage, elle a à craindre l’orage. Elle pourrait se faire pesante à volonté et descendre, mais l’abîme lui est interdit ; elle ne vit qu’à la surface, en pleine lumière, en plein péril. Elle voit, elle entend, elle a le toucher fort délicat, beaucoup trop pour son malheur. Elle ne peut se diriger. Ses organes plus compliqués la surchargent et lui font perdre bien aisément l’équilibre.

Aussi on est tenté de croire qu’elle se repent d’un essai de liberté si hasardeuse, qu’elle regrette l’état inférieur, la sécurité de la vie commune. Le polypier fit la méduse, la méduse fait le polypier. Elle rentre à l’association. Mais cette vie végétative est si ennuyeuse, qu’à la génération suivante, elle s’en émancipe encore et se relance au hasard de sa vaine navigation. Alternative bizarre, où elle flotte éternellement. Mobile, elle rêve le repos. Inerte, elle rêve le mouvement.