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la mer vue du rivage

longues nuits, ils hurlent contre la vague hurlante, et font assaut de fureur avec l’océan du Nord.


L’introduction naturelle, le vestibule de l’Océan, qui prépare à le bien sentir, c’est le cours mélancolique des fleuves du Nord-Ouest, les vastes sables du Midi, ou les landes de Bretagne. Toute personne qui va à la mer par ces voies est très-frappée de la région intermédiaire qui l’annonce. Le long de ces fleuves, c’est un vague infini de joncs, d’oseraies, de plantes diverses, qui, par les degrés des eaux mêlées et peu à peu saumâtres, deviennent enfin marines. Dans les landes, c’est, avant la mer, une mer préalable d’herbes rudes et basses, fougères et bruyères. Étant encore à une lieue, deux lieues, vous remarquez les arbres chétifs, souffreteux, rechignés, qui annoncent à leur manière par des attitudes, j’allais dire par des gestes étranges, la proximité du grand tyran, et l’oppression de son souffle. S’ils n’étaient pris par les racines, ils fuiraient visiblement ; ils regardent vers la terre, tournent le dos à l’ennemi,