Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/191

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variable, incertaine, fugitive deux fois par jour, et de constante inquiétude.

Chez des êtres bien inférieurs, une chose obscure encore, qui devait changer le monde à la longue, avait commencé à poindre. Les simples étoiles de mer, dans leurs cinq rayons, avaient un certain soutien, quelque chose comme une charpente de pièces articulées, au dehors quelques épines, des suçoirs qui s’avancent, reculent à volonté. Un animal fort modeste, mais timide et sérieux, semble avoir fait son profit de cette ébauche grossière. Il dit, je pense, à la Nature :

« Je suis né sans ambition. Je ne demande pas les dons brillants de messieurs les mollusques. Je ne ferai nacre ni perle. Je ne veux pas de couleur brillante, un luxe qui me désignerait. Je désire encore bien moins la grâce de vos étourdies les méduses, le charme ondoyant de leurs cheveux enflammés qui attirent, les font attaquer et leur servent à faire naufrage. Ô mère ! je ne veux qu’une chose, être… être un, et sans appendices extérieurs et compromettants, — être ramassé, fort en moi, arrondi, car c’est la forme qui donnera le moins de prise, — l’être enfin centralisé.

« J’ai bien peu l’instinct des voyages. De la mer haute à la mer basse, rouler quelquefois, c’est