Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/204

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nelle sa parure. Tant soit-elle austère, elle est forcée de sourire.

Avec cela, la vie craintive est toute pleine de mélancolie. On ne peut s’empêcher de croire qu’elle ne souffre, la belle des belles, la fée des mers, l’Haliotide, de sa sévère réclusion. Elle a le pied, peut se traîner, mais ne l’ose. « Qui t’en empêche ? — J’ai peur… le crabe me guette ; que j’entr’ouvre, il est chez moi. Un monde de poissons voraces flotte au-dessus de ma tête. L’homme, mon cruel admirateur, me punit de ma beauté ; poursuivie aux mers des Indes, jusque dans les eaux du pôle, maintenant en Californie, on me charge par vaisseaux. »

L’infortunée, n’osant sortir, a trouvé un moyen subtil de faire arriver l’air et l’eau. À sa maison elle fait de minimes fenêtres qui vont à ses petits poumons. La faim cependant l’oblige de se hasarder. Vers le soir, elle rampe un peu alentour et paît quelque plante, son unique nourriture.

Remarquons ici en passant que ces merveilleuses coquilles, non seulement l’Haliotide, mais la Veuve (blanche et noire), mais Bouche-d’Or (à nacre dorée), sont de pauvres herbivores, de la plus sobre nourriture. — Vivante réfutation de ceux qui croient aujourd’hui la beauté fille de la mort, du