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la mer vue du rivage

vient-il, un bruissement fait comprendre qu’avec les sables elle remporte ce monde de tribus fidèles, et le recueille en son sein.

Que d’autres voix elle a encore ! Pour peu qu’elle soit émue, ses plaintes et ses profonds soupirs contrastent avec le silence du morne rivage. Il semble se recueillir pour écouter la menace de celle qui le flattait hier d’un flot caressant. Que va-t-elle bientôt lui dire ? Je ne veux pas le prévoir. Je ne veux point parler ici des épouvantables concerts qu’elle va donner peut-être, de ses duos avec les rocs, des basses et des tonnerres sourds qu’elle fait au fond des cavernes, ni de ces cris surprenants où l’on croit entendre : Au secours !… Non, prenons-la dans ses jours graves, où elle est forte sans violence.


Si l’enfant et l’ignorant ont toujours devant ce sphinx une stupeur admirative et moins de plaisir que de crainte, il ne faut pas s’en étonner. Pour nous-mêmes, par bien des côtés, c’est encore une grand énigme.

Quelle est son étendue réelle ? Plus grande que celle de la terre, voilà ce qu’on sait le mieux. Sur