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Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/262

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fucus abondants, gélatineux, qui nourrissent et engraissent, sans donner la vigueur de la nourriture animale.

Tel on peut voir dans la mer Rouge, dans la mer des îles Malaises et celles d’Australie, traîner, siéger ce rare colosse, le dugong, qui domine l’eau de la poitrine et des mamelles. On le nomme parfois dugong des tabernacles, inerte idole qui impose, mais se défend à peine, et qui disparaîtra bientôt, rentrera dans le domaine de la fable, parmi ces légendes réelles dont nous rions étourdiment.

Qui a fait ce grand changement, créé ce cétacé terrestre, le dugong et le morse, son frère ? La douceur de la terre, vraiment pacifique avant l’homme, — l’attrait d’aliments végétaux qui ne fuient pas comme la proie marine, — l’amour aussi sans doute, si difficile à la baleine, si facile dans la vie posée de l’amphibie.

L’amour n’est plus fuite et hasard. La femelle n’est plus ce fier géant qu’il fallait suivre au bout du monde. Celle-ci est là soumise, sur les algues onduleuses, pour obéir à son seigneur. Elle lui rend la vie douce et molle. Peu de mystères. Les amphibies vivent bonnement au soleil. Les femelles, étant fort nombreuses, s’empressent et font sérail. De la sauvage poésie, on tombe aux mœurs bour-