celui où l’Espagne victorieuse frémissait de sa guerre de croisade et d’inquisition. L’Italien saisit ce levier, fut plus dévot que les dévots. Il agit par l’Église même : on fit scrupule à Isabelle de laisser tant de nations païennes dans les ombres de la mort. On lui démontra clairement que découvrir la terre de l’or, c’était se mettre à même d’exterminer le Turc et reprendre Jérusalem.
On sait que, sur trois vaisseaux, les Pinçon en fournirent deux et les menèrent eux-mêmes. Ils allèrent en avant. L’un d’eux, il est vrai, se trompa ; mais les autres, François Pinçon et son jeune frère Vincent, pilote du vaisseau la Nina, firent signe à Colomb qu’il devait les suivre au sud-ouest (12 octobre 1492). Colomb, qui allait droit à l’ouest, eût rencontré dans sa plus grande force le courant chaud qui va des Antilles à l’Europe. Il n’aurait traversé ce mur liquide qu’avec grande difficulté. Il eût péri ou navigué si lentement, que son équipage se fût révolté. Au contraire, les Pinçon, qui peut-être avaient là-dessus des traditions, naviguèrent comme s’ils avaient connaissance de ce courant ; ils ne l’affrontèrent pas à sa sortie, mais, déclinant au sud, passèrent sans peine, et abordèrent au lieu même où les vents alizés poussent les eaux, d’Afrique en Amérique, aux parages d’Haïti.