Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/322

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leur route du Sud, l’emportaient toujours en arrière. Il ne passa pas plus que Ross.

En 1832, un courageux jeune homme, un Français, Jules de Blosseville, voulut que cette gloire appartînt à la France. Il y mit sa vie, son argent ; il paya pour périr. Il ne put même avoir un vaisseau de son choix : on lui donna la Lilloise, qui fit eau le jour même du départ. (Voir la notice de son frère). Il la raccommoda à ses frais, pour quarante mille francs. Dans ce hasardeux véhicule, il voulait attaquer la côte de fer, le Groënland oriental. Selon toute apparence, il n’y arriva même pas. On n’en eut nulle nouvelle.

Les expéditions des Anglais étaient tout autrement préparées, avec grande prudence, grande dépense, mais ne réussissaient guère mieux. En 1845, l’infortuné Franklin se perdit dans les glaces. Douze ans durant, on le chercha. L’Angleterre y montra une honorable obstination. Tous y aidèrent. Des Américains, des Français, y ont péri. Les pics, les caps de la région désolée, à côté du nom de Franklin, gardent celui de notre Bellot et des autres, qui se dévouèrent à sauver un Anglais. De son côté, John Ross avait offert de diriger les nôtres dans la recherche de Blosseville, d’organiser l’expédition. Le sombre Groënland est paré de tels souvenirs, et le désert n’est plus désert, lorsque l’on y retrouve