Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/347

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lions de siècles peut-être, avant la naissance de l’homme. On se passait à merveille de lui et de sa sagesse. Ses aînés, enfants de la mer, accomplissaient entre eux parfaitement la circulation de substance, les échanges, les successions de vie, qui sont le mouvement rapide de purification constante. Que peut-il à ce mouvement, continué si loin de lui, dans ce monde obscur et profond ? Peu en bien, davantage en mal. La destruction de telle espèce peut être une atteinte fâcheuse à l’ordre, à l’harmonie du tout. Qu’il prélève une moisson raisonnable sur celles qui pullulent surabondamment, à la bonne heure ; qu’il vive sur des individus, mais qu’il conserve les espèces ; dans chacune il doit respecter le rôle, que toutes elles jouent, de fonctionnaires de la nature.

Nous avons déjà traversé deux âges de barbarie.

Au premier, on dit comme Homère : « la mer stérile. » On ne la traverse que pour chercher au delà des trésors fabuleux, ou exagérés follement.

Au second, on aperçut que la richesse de la mer est surtout en elle-même, et l’on mit la main dessus, mais de manière aveugle, brutale, violente.

À la haine de la nature qu’eut le moyen âge, s’est ajoutée l’âpreté mercantile, industrielle, armée de machines terribles, qui tuent de loin, tuent sans péril, tuent en masse. À chaque progrès