Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/380

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gue marine dont on affermit un sable trop mou.

Dans un climat intermédiaire, qui n’est ni Nord, ni Midi, ni Bretagne, ni Vendée, j’ai vu, revu avec plaisir, l’aimable et sérieux abri de Pornic, ses bons marins, ses jolies filles, charmantes sous leurs bonnets pointus. C’est un petit lieu reposé, qui, ayant devant lui la longue île (presqu’île plutôt) de Noirmoutiers, ne reçoit qu’une mer oblique, indirecte et bien ménagée. Cette mer est à peine entrée qu’elle s’humanise ; elle file, de sa vague ridée, du lin, ce semble, ou de la moire. Dans ce bassin de quelques lieues, elle s’en est creusée de petits, des anses étroites à pentes douces pour les femmes ou des baignoires pour les enfants. Ces jolies plages sablées, que de respectables rochers séparent et cachent aux indiscrets, amusent de leurs petits mystères. On y voit quelque vie marine, mais bien plus pauvre qu’autrefois. L’abri sert, mais il nuit aussi. Le monde des eaux ne reçoit pas dans ce bassin trop tranquille une riche alimentation, et il le délaisse. De moins en moins cette mer tire le grand flot de l’Océan. Elle met la sourdine à ses bruits. On ne les entend qu’affaiblis. Demi-silence d’un grand charme. Nulle part ailleurs je n’ai trouvé avec une plus grande douceur la liberté de rêverie, la grâce des mers mourantes.