Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/53

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courant sous-marin, s’en va consoler le pôle, y créer la mer tiède (je veux dire non glacée) qu’on vient de découvrir. Quant au bras droit, épandu dans une largeur immense, lorsque affaibli, fatigué, il arrive enfin en Europe, il trouve l’Irlande et l’Angleterre qui divisent encore ses eaux divisées à Terre-Neuve. Défaillant, perdu dans la mer, il tiédit pourtant un peu la Norvège, et trouve moyen encore d’apporter aux côtes d’Islande des bois américains, sans lesquels cette pauvre île, neigeuse sous son volcan, mourrait.


Ces deux frères, l’Indien, l’Américain, ont ceci de commun que, partis de la Ligne, du foyer électrique du globe, ils emportent des puissances prodigieuses de création, d’agitation. D’une part, ils semblent la matrice profonde d’un monde d’êtres vivants, leur tiède et doux berceau. D’autre part, ils sont le centre et le véhicule des tempêtes ; les vents, les trombes voyagent à la surface. Tant de douceur, tant de fureur, n’est-ce-pas une contradiction ? Non, ceci prouve seulement que la fureur ne trouble que le dehors, les couches extérieures, peu profondes. Dans l’épaisseur, on n’en