Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/89

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ques, leur esprit d’aventures. Mais, malgré ses goûts sédentaires, elle se fait maritime, se lance dans les hasards. Pourquoi ? La légende l’explique :

La jolie fille d’un roi, qui s’amuse à laver son linge, comme la Nausicaa de l’Odyssée, a laissé aller son anneau à la mer ; le fils de la côte s’y jette pour le chercher, mais se noie. Elle pleure et elle est changée dans le romarin du rivage, si amer et si parfumé.

Cette ballade du naufrage, chantée à ce temps critique dans cette forêt gémissante d’orage imminent, m’émut, me charma, mais en fortifiant mon pressentiment intérieur.



Chaque fois que j’allais à Royan, je pouvais attendre qu’en ce petit voyage, qui n’est que de quelques heures, l’orage me surprendrait sur la route sans abri. Il pesait sur moi dans les vignes de Saint-Georges et la lande du promontoire que je gravissais d’abord. Il pesait, plus lourd encore, dans la grande plage circulaire de Royan que je suivais. La lande, quoiqu’en octobre, avait tous ses parfums sauvages, et ils me semblaient par mo-