Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/101

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bien que les gens habiles, ne sachant trop la pensée réelle de leur maîtresse, n’osèrent guérir Kosciusko ?

Au bout de plus de deux ans de captivité, Kosciusko, toujours saignant, la tête entourée de bandages, toit entrer tout à coup une espèce de Tartare, petit, fort laid et sans nez.

C’était le nouvel empereur, Paul Ier. Sa mère, l’auguste Catherine, avait rendu son âme au diable. " Vous êtes libre, lui dit Paul ; si vous ne l’êtes dès longtemps, c’est que je ne l’étais pas moi-même. " Kosciusko ne disait rien ; il restait muet de saisissement ; il semblait rêver et cherchait à ramener péniblement ses idées. Enfin, revenant à lui-même : " et mes amis seront-ils libres ? " demanda-t-il à l’empereur.

Celui-ci n’était guère moins saisi à regarder Kosciusko. Pauvre paralytique, malade, et singulièrement affaibli d’esprit, très nerveux, facile aux larmes, plein de défiance, de croyances enfantines, se croyant entouré d’espions, il aurait brisé les cœurs les plus durs. En l’examinant attentivement, on voyait qu’il était blessé, mais plus loin que le corps, au plus profond de son être moral.

En voyant ce triste débris, le czar lui-même et son fils Alexandre sentaient venir les larmes. Alexandre pleurait sans parler.

Ce pauvre Tartare, Paul, qu’ils ont étranglé, comme son père, était un peu fou, comme lui ; mais il avait