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Page:Michelet - La femme.djvu/116

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temps on tailla l’arbre, elle pria le jardinier de la chercher. Inutile de dire que dès longtemps la pauvre sœur s’était envolée au souffle du vent du nord.

Deux ans après, la mère achetant des habits pour les aînés, la marchande qui vendait aussi des jouets, remarqua la petite qui les regardait. Par un mouvement de bon cœur, elle voulut donner quelque chose à celle pour qui on n’achetait rien, et lui mit entre les bras une petite poupée d’Allemagne. Sa surprise fut si forte, et tel le ravissement que, chancelante sur ses jambes, à peine elle put la rapporter. Celle-ci, mobile, obéissante, suivait toute volonté. Elle se prêtait à la toilette. Sa maîtresse ne pensait plus qu’à la faire belle et brillante. Et c’est ce qui la perdit. Les garçons la firent danser, à mort ; ses bras s’arrachèrent ; elle devint impotente ; on la soigna, on la coucha. Nouveaux sujets de douleur, — la petite fille en maigrit.

Cependant une demoiselle la voyant si triste, si triste, s’émut et chercha, retrouva dans ses rebuts une superbe poupée qui avait été la sienne. Quoique maltraitée par le temps, elle faisait illusion bien plus que celle de bois. Elle avait des formes complètes ; même nue, elle paraissait vivante. Les amies la caressaient fort, et déjà dans ses amitiés elle avait des préférences, les lueurs, les premiers signes d’une vie précoce de passion. Pendant une