Page:Michelet - La femme.djvu/21

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flée, ballonnée dans une fraîche et délicieuse robe de soie bleu de ciel, nuée de blanc (chef-d’œuvre de Lyon), qu’elle traînait outrageusement par les endroits les plus sales. La terre ne la portait pas. Sa tête blonde et jolie, le nez au vent, son petit chapeau d’amazone qui lui donnait l’air d’un petit page équivoque, toute sa personne disait : « Je me moque de tout. » Je sentais que cette idole, monstrueusement amoureuse d’elle-même, avec toute sa fierté, n’appartenait pas moins d’avance à ceux qui la flatteraient, qu’on s’en jouerait avec des mots et qu’elle n’en était pas même à savoir ce que c’est qu’un scrupule. Je me souvins de Salomon : « Et tergens os suum dixit : Non sum operata malum. » Cette vision m’est restée. Ce n’est pas une personne, ce n’est pas un accident ; c’est la mode, ce sont les mœurs du temps que j’ai vues passer ; et j’en garderai toujours la terreur du mariage. »




« Pour moi, dit un autre plus jeune, l’obstacle, l’empêchement dirimant, ce n’est pas la crinoline, monsieur, c’est la religion. »

On rit ; mais lui, s’animant : « Oui, la religion. Les femmes sont élevées dans un dogme qui n’est point le nôtre. Les mères qui veulent tant marier