Aller au contenu

Page:Michelet - La femme.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et, en effet, à la longue, quand elle aura douze ans peut-être, il la reverra, mais plus sérieuse, déjà n’osant plus tant jouer, dans le charme et la noblesse de cette première réserve que montre la jeune demoiselle, assise près de sa mère aux fêtes de famille. Béatrix des Portinari avait justement douze ans, et portait une robe de pourpre (c’est-à-dire, d’un rouge violet), lorsque Dante la vit pour la première fois. Elle lui resta au cœur avec cet âge et cette robe, et jusqu’à la mort il la vit comme une enfant reine, vêtue de lumière.

Que mon collégien emporte l’idée de sa petite Béatrix. Il est sauvé de bien des choses, de la vulgarité surtout. Si le plaisir s’offre à l’enfant (ce qui n’est que trop ordinaire) par quelque basse complaisance, il en aura la nausée. Plus haut déjà est son cœur.

Que deux ans, trois ans se passent, qu’il la voie enjouée, jolie. L’accomplissement de cette rose, la charmante vivacité de la Perdita de Shakspeare, qui va, vient, aide sa mère, est bergère, princesse à la fois, voilà un nouvel idéal qui gardera mon jeune homme. Si des dames peu délicates épient son premier sentiment, elles arriveront trop tard. En les comparant, il dira : « Ma cousine est bien autre chose ! »