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Page:Michelet - Ma jeunesse, 1884, 2e éd.djvu/309

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UN MOIS DE VACANCES AUX ARDENNES

elle seule, racontait bien des choses du passé. Mon oncle, seul homme de la famille, était comme perdu au milieu des femmes qui se pressaient au devant de nous. Il se dégagea, vivement, pour nous conduire dans une grande chambre du rez-de-chaussée qui servait, à la fois, de salon et de salle à manger.

Ce fut pour moi un moment pénible. Je ne sa-, vais que trop, que ma mère était morte, et cependant, lorsque, parmi tous ces bras féminins ouverts pour nous recevoir, les siens me manquèrent, j’eus la sensation la plus douloureuse : il me sembla que je la perdais une seconde fois.

Ma tante Alexis, sans le vouloir, ajouta encore à mon trouble, en me montrant l’embrasure de la fenêtre et la chaise où elle s’asseyait, de préférence, à son rouet. Je me précipitai, je la saisis cette pauvre vieille chaise de paille ; j’y collais mes lèvres, comme si elle eût été une partie d’elle-même. Il fut impossible de m’en faire prendre une autre, pour mon usage, tant que dura notre séjour à Renwez. Notre famille jouissait d’une considération générale et méritée. Elle était, comme le pays où elle vivait, un mélange de Picardie, de Belgique et de Champagne, sans avoir, toutefois, la dureté chicaneuse de Réthel, ni la sécheresse qui vient ensuite, une Champagne durcie ; mais, plutôt, quelque