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Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/112

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MON JOURNAL.


rien à faire, de pouvoir rêver à mon aise [1]. J'avais emporté Tartuffe ; cela m’a gâté ma promenade. Ce ne sont. pas ces peintures de mœurs qu’il faut emporter dans la campagne.

Le temps était triste et le vent froid pour la saison. La terre n’a plus l’air jeune qu’elle avait encore il y a un mois. Les blés coupés ou près de l’être, lui donnent une teinte uniforme. Ces vastes champs, d’un pâle jaunâtre, me semblaient répondre au ciel tendu de gris.

Je suis plus ému lorsque je commence à voir Bicêtre, qu’au moment même où je revois mon ami ; il me semble alors que je suis déjà avec lui depuis une demi-heure.

Je l’ai trouvé changé. Ces altérations physiques m’ont toujours surpris. Je ne sais pourquoi, je ne puis comprendre que ceux que j’aime soient mortels. Nous avons parlé sciences naturelles ; je lui exprimais le désir de suivre un cours d’anatomie afin d’avoir en tout une langue commune avec lui. Loin de se réjouir de mon envie, il m’a témoigné la crainte qu’une fois instruit de ces sciences, je ne lui parlasse plus d’autre chose. « Rassure-toi, lui ai-je dit ; tels que nous sommes, les sciences physiques ne seront pour nous que des excursions, nous aurons beau faire, nous reviendrons toujours à nous-mêmes.

  1. Les vacances des élèves de la pension Briand commençaient.