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Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/186

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MON JOURNAL.


qui semble, déjà, tout voir d’au delà. Il rattachait sur moi avec une telle persistance, que j’ai failli éclater. Ah ! Nature cruelle !... Mais d’où vient donc l’état de si grande dépendance où nous tient l’amitié aussi bien que l’amour ? Est-elle le résultat d’affinités mystérieuses qui unissent étroitement les âmes, ou bien de qualités contraires qui s’attirent et se repoussent comme le font les astres au ciel ?... Né sommes-nous pas, nous aussi, de petites planètes, et notre destinée n’est-elle pas d’aller aussi deux par deux ?.., Une âme entre un jour dans l’atmosphère d’une autre âme, attirée par cette mystérieuse puissance d’attraction dont nous subissons la loi aussi bien que les étoiles ; au même instant, la vie de chacune de ces âmes se trouve doublée. « Ces deux qui vont ensemble » (Dante) entraînés désormais dans le courant rapide qui emporte les mondes, vont comme eux, s’empruntant, se rendant sans cesse, mais sans se confondre jamais.

Cette aimantation, ce désir ardent de s’unir, cette poursuite ? incessante des âmes comme des astres, est sans doute le propre de l’amour plus que de l’^amitié. Mais si le voyage, en amitié, est plus calme, en revanche, il a plus de durée. Les orages de la passion séparent les âmes plus souvent qu’ils ne les unissent. Où sont-ils aujourd’hui, ces amants que je. voyais naguère de ma