plus je me retrouve en lui. Nous sommes bien de
la même race ; c’est bien dans nos veines, le même
sang ardennais qu’un rien fait bouillonner ; c’est
la même curiosité ardente, la même soif de tout
savoir, de tout acquérir. Ce qui ne veut pas dire
que nous soyons toujours d’accord. Il a, par
boutades, le goût du paradoxe et moi je le hais.
Ses hérésies, en amour, m’exaspèrent. Ce soir, il a
parlé des femmes, qu’il prétend connaître, comme
un homme qui les aurait longuement pratiquées.
A vingt et un ans !... Sans doute quelque mésaventure dans une relation facile qu’il n’ose avouer, fait toute sa science et cause sa mauvaise humeur.
La mienne, m’a poussée le redresser vivement, par
une théorie toute contraire à la sienne. J’ai soutenu, non sans raison, que le plus perspicace des
hommes dans les autres affaires de la vie, peut
fort bien en celle-ci, n’y voir goutte. Je lui citais comme preuve, ceux de nos hommes de génie
dont les facultés divinatoires ont été si puissantes, et qui, cependant, au milieu même de la vie, lorsque toute expérience semble devoir être acquise, n’ont pas moins témoigné, par des choix
malheureux, d’une singulière ignorance de la
femme, de sa vraie nature et de ce qu’on en peut
attendre. Ambroisine est survenue ; il a fallu s’arrêter. J’ai promis de lui achever par écrit ma
réponse. La voici :
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MON JOURNAL.