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Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/262

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MON JOURNAL.


que la moisson soit riche, et lourds les épis, voilà où doit tendre la volonté. Je me disais encore : Si même chez les plus croyants, ce que je ne suis point à le prendre ainsi, l’inquiétude est au fond de la foi, c’est là un bon tourment qui harmonise l'esprit à la marche du monde. Il ne semble fuir le passé que pour mieux éclairer l’avenir. Au total, cela aussi est de Dieu. Seulement, ne serait-il pas utile au progrès même, de regarder parfois en arrière vers ce passé d’où nous venons, et de nous réchauffer un moment le cœur au sein maternel ? C’est ce que j’ai fait en traduisant ma parabole. Ensuite, j’ai couru chez M. Devilliers qui devait me conduire auprès de son ami, M. Millon [1]. Il était deux heures et la chaleur accablante. Mon homme, dans un déshabillé grotesque, n’avait d’autre envie que de s’enfoncer dans sa paresse et de jaser. Il a bien fallu le suivre et divaguer avec lui. D’abord, il a décidé, sans y rien entendre, de l’ordre dans lequel il valait mieux étudier les sciences ; puis est venue la liaison à trouver entre les sciences naturelles. Ceci était la grande pensée de mon pauvre Boinsot. Il m’a dit que cette étude était plus avancée que je ne croyais, qu’il y avait déjà des cours de chimie appliquée aux

  1. M. Millon était professeur au collège Charlemagne et à la Faculté des lettres de Paris. Il eut un moment la pensée de prendre Michelet pour son suppléant.