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Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/271

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MON JOURNAL.


griffus, dentus qui regardaient avec mépris ce dernier-né de la création, sans poils ni griffes, tout nu et désarmé. Dans une guerre où la puissance matérielle était toute du côté des premiers occupants, il fallut bien que le dernier venu, pour les vaincre, eût avec eux quelques points communs de ressemblance. Il fallut que lui aussi, appartînt à ce monde inférieur ou plutôt, qu’il résumât les deux natures : c’est-à-dire, qu’il fût à la fois homme et bête, ayant de celle-ci, les ruses instinctives aussi bien que les fureurs sanguines, dans la colère et dans le rut.

La victoire restée, en définitive, au plus faible, sur tant de points du globe, a prouvé, néanmoins, sa supériorité originelle. Dans l'homme-bête, dominé d’abord tout entier, en apparence, par les fatalités physiques, dormait déjà, comme dans la chrysalide, l’homme véritable qui se tient debout et marche la face tournée vers le ciel. Suivant les progrès du globe, cet homme du second âge, s’est peu à peu dégagé de la domination tyrannique du pôle inférieur qui, si longtemps, l’avait asservi ; il a gravité avec les siècles, vers son entière émancipation.

Aujourd’hui, le pôle cérébral est décidément vainqueur. Aux lourds rêves d’un sang trouble, aux énergies brutales qui, dans leur orage, brisaient plutôt qu’elles ne créaient, a succédé la