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Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/312

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MON JOURNAL.


femme ; chez la mère, c’est une monstruosité. Ce matin, en allant au collège, j’en voyais une dans le fond d’une cour qui remettait en ordre son enfant qu’avait arrêté un besoin de nature. Cette femme très violente, de mauvaise figure, l’avait fait sans dans doute d’abord rudement, car le pauvre petit, âgé de quatre ans à peine, s’était mis à pleurer. De là, nouvelles violences. Il ne pouvait se taire. A chaque coup, des pleurs éloquents qui disaient de manière intelligible : « Ah ! si toi, toi-même, tu me bats !... que deviendrai-je ? » Rien de plus pathétique. Un désespoir, court sans doute à cet âge, mais si profond !... Je me sentais mordu aux entrailles. C’était comme si moi, j’eusse été la vraie mère. En réalité, rien ne m’émeut plus que les faibles, les enfants, les vieillards et aussi les animaux, — ces muets de la création !



Aujourd’hui, en quittant le collège, j’ai voulu revoir l’impasse Saint-Louis où je menais paître la chèvre blanche qui nourrissait ma mère dans les derniers temps de sa vie. Je suis passé devant Notre-Dame et j’ai fait cette réflexion, que le clergé de l’église métropolitaine était peu populaire au moyen âge, si l’on en juge par le nom que le peuple donnait au terrain légèrement élevé qui