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Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/82

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MON JOURNAL.


prends l'émotion de Benjamin Constant. Ce dévouement de la jeunesse, venue tous les jours sans armes, sous le sabre des gendarmes pour rendre hommage à la liberté, cela ravit et enlève [1] !....

Pourtant cet état d’attente, quand on n’agit pas soi-même, ne vaut rien à l'âme. Il faut chercher quels sont les devoirs que la patrie nous impose et les mettre en pratique.

J’ai rencontré un prêtre qui riait. J’ai cru qu’il riait de la ruine de la liberté et du triomphe des ultras. Cette idée m’a saisi....

Mercredi 7. — Louvel vient d’être exécuté. Il est mort devant un peuple indifférent, avec une extrême fermeté. L’enthousiasme d’un principe, quelles que soient les conséquences qu’on en tire, a quelque chose de grand. Louvel a vengé Ney....



Je ne sais si je me trompe, mais je crois voir dans les esprits de ce siècle une pente à quitter

  1. Les manifestants étaient surtout des élèves de l’École de droit, fort irrités de la fermeture du cours de M. Baveux, le professeur le plus aimé de la jeunesse pour ses opinions libérales et le sens très droit, très humain qu’il avait de la justice. Les étudiants d’aujourd’hui qui tiennent à honneur de conserver le culte des morts, devraient bien porter des^ couronnes sur ces tombes : Lallemand, Benjamin Constant, Bavoux et tant d’autres.

    Mme J. M.