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UNE ANNÉE DU COLLÈGE DE FRANCE

souvent adressée… Et vous-mêmes, Messieurs, cette pensée ne vous est-elle jamais venue ? ne vous a-t —elle jamais troublés ? ne vous êtes-vous jamais dit « Faisons-nous assez pour le peuple ? »

Médiocrement satisfait de la réponse que j’avais faite, j’allai, tout rêveur, voir un homme de génie que je consulte comme ma conscience, parce qu’il a au plus haut degré le sens populaire. — Je lui dis : « Est-ce que vous n’êtes pas frappé d’un si profond divorce social ? est-ce que vous ne voyez pas ce mur, ces barrières, ces obstacles qui s’élèvent partout entre nous ? est-ce que, du riche au pauvre, la porte est ouverte ? La porte du pauvre est peut-être plus fermée, s’il est possible, que celle du riche Est-ce que nous pouvons rester dans ce divorce, dans cet isolement ? est-ce une vie ?. Est-ce que vous, qui avez du génie, vous ne nous direz pas comment on renversera ces barrières, on rouvrira ces portes, on rétablira le lien brisé entre les hommes » — Je lui représentai l’objection contre moi-même avec une tout autre force que la dame ne l’avait fait et cet homme, d’un sens à la fois profond et élevé, me dit « Laissez-les faire ; pourquoi vous arrogez-vous le privilège aristocratique de vouloir éclairer le peuple ? Laissez-les faire, ils trouveront leur lumière et ils arriveront, ils verront plus clair à la leur qu’ils ne pourraient voir à la vôtre. »

A quoi, Messieurs, je ne me rendis pas, quelque graves que soient pour moi les conseils d’un ami tellement supérieur. »

Voici ce que je me disais, et voici ce que je vous présente : Les circonstances sont-elles les mêmes