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LA GAULE SOUS L’EMPIRE

selon Tacite, finit par conspirer contre lui, et périt sous Claude par les artifices de Messaline, comme coupable d’une popularité ambitieuse dans les Gaules. L’autre, Domitius Afer, de Nîmes, consul sous Caligula, éloquent, corrompu, fougueux accusateur, mourut d’indigestion. La capricieuse émulation de Caligula avait failli lui être funeste, comme celle de Néron le fut à Lucain. L’empereur apporte un jour un discours au sénat ; cette pièce fort travaillée, où il espérait s’être surpassé lui-même, n’était rien moins qu’un acte d’accusation contre Domitius, et il concluait à la mort. Le Gaulois, sans se troubler, parut moins frappé de son danger que de l’éloquence de l’empereur. Il s’avoua vaincu, déclara qu’il n’oserait plus ouvrir la bouche après un tel discours, et éleva une statue à Caligula. Celui-ci n’exigea plus sa mort ; il lui suffisait de son silence.

Dans l’art gaulois, dès sa naissance, il y eut quelque chose d’impétueux, d’exagéré, de tragique, comme disaient les anciens. Cette tendance fut remarquable dans ses premiers essais. Le Gaulois Zénodore, qui se plaisait à sculpter de petites figures et des vases avec la plus délicieuse délicatesse, éleva dans la ville des Arvernes le colosse du Mercure gaulois. Néron, qui aimait le grand, le prodigieux, le fit venir à Rome pour élever au pied du Capitole sa statue haute de cent vingt pieds, cette statue qu’on voyait du mont Albano. Ainsi une main gauloise donnait à l’art cet essor vers le gigantesque, cette ambition de l’infini, qui devait plus tard élancer les voûtes de nos cathédrales.