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PRÉFACE DE 1869

une sorte de chaleur. Parfois le galvanisme semble dépasser la vie même par ses bonds, ses efforts, des contrastes heurtés, des surprises, de petits miracles. La vraie vie a un signe tout différent, sa continuité. Née d’un jet, elle dure, et croît placidement, lentement, uno tenore. Son unité n’est pas celle d’une petite pièce en cinq actes, mais (dans un développement souvent immense) l’harmonique identité d’âme.

La plus sévère critique, si elle juge l’ensemble de mon livre, n’y méconnaîtra pas ces hautes conditions de la vie. Il n’a été nullement précipité, brusqué ; il a eu, tout au moins, le mérite de la lenteur. Du premier au dernier volume, la méthode est la même ; telle est en un mot dans ma Géographie, telle en mon Louis XV, et telle en ma Révolution. Ce qui n’est pas moins rare dans un travail de tant d’années, c’est que la forme et la couleur s’y soutiennent. Mêmes qualités, mêmes défauts. Si ceux-ci avaient disparu, l’œuvre serait hétérogène, discolore, elle aurait perdu sa personnalité. Telle quelle, il vaut mieux qu’elle reste harmonique et un tout vivant.


Lorsque je commençai, un livre de génie existait, Celui de Thierry. Sagace et pénétrant, délicat