Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 1.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
MONDE GERMANIQUE

vers l’infini barbare. Du côté du Nord, la mer est à peine une barrière plus précise ; les sables de la Poméranie continuent le fond de la Baltique ; là gisent sous les eaux, des villes, des villages, comme ceux que la mer engloutit en Hollande. Ce dernier pays n’est qu’un champ de bataille pour les deux éléments.

Terre indécise, races flottantes. Telles du moins nous les représente Tacite dans sa Germania. Des marais, des forêts, plus ou moins étendues, selon qu’elles s’éclaircissent et reculent devant l’homme, puis s’épaississant dans les lieux qu’il abandonne ; habitations dispersées, cultures peu étendues, et transportées chaque année sur une terre nouvelle. Entre les forêts, des marches, vastes clairières, terres vagues et communes, passage des migrations, théâtre des premiers essais de la culture, où se groupent capricieusement quelques cabanes. « Leurs demeures, dit Tacite, ne sont pas rapprochées ; ici, ils s’arrêtent près d’une source, là près d’un bouquet d’arbres. » Limiter, déterminer la marche, c’est la grande affaire des prud’hommes forestiers. Les limitations ne sont pas bien précises. « Jusqu’où, disent-ils, le laboureur peut-il étendre la culture dans la marche ? aussi loin qu’il peut jeter son marteau. » Le marteau de Thor est le signe de la propriété, l’instrument de cette conquête pacifique sur la nature.

Il ne faudrait pourtant pas inférer de cette culture mobile, de ces mutations de demeures, que ces populations aient été nomades. Nous ne remarquons pas en elles cet esprit d’aventures qui a promené les