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HISTOIRE DE FRANCE

grand engin qui perce les mystères, inaccessibles à ce conteur. Quel engin, quel moyen ? La personnalité moderne, si puissante et tant agrandie.

En pénétrant l’objet de plus en plus, on l’aime, et dès lors on regarde avec un intérêt croissant. Le cœur, ému à la seconde vue, voit mille choses invisibles au peuple indifférent. L’histoire, l’historien, se mêlent en ce regard. Est-ce un bien ? est-ce un mal ? Là s’opère une chose que l’on n’a point décrite et que nous devons révéler :

C’est que l’histoire, dans le progrès du temps, fait l’historien bien plus qu’elle n’est faite par lui. Mon livre m’a créé. C’est moi qui fus son œuvre. Ce fils a fait son père. S’il est sorti de moi d’abord, de mon orage (trouble encore) de jeunesse, il m’a rendu bien plus en force et en lumière, même en chaleur féconde, en puissance réelle de ressusciter le passé. Si nous nous ressemblons, c’est bien. Les traits qu’il a de moi sont en grande partie ceux que je lui devais, que j’ai tenus de lui.


Ma destinée m’a bien favorisé. J’ai eu deux choses assez rares, et qui ont fait cette œuvre.

D’abord la liberté, qui en a été l’âme.

Puis des devoirs utiles qui, en ralentissant, en retardant l’exécution, la firent plus réfléchie, plus