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MÉROVINGIENS

C’est à ces Romains qu’il faut désormais attribuer en grande partie ce qui se fait de bien et de mal sous les rois des Francs. C’est à eux qu’on doit rapporter la fiscalité renaissante[1] ; nous les voyons figurer dans la guerre même, et souvent avec éclat. Ainsi, tandis que le roi d’Ostrasie est battu par les Avares, et se laisse prendre par eux, le Romain Mummole, général du roi de Bourgogne, bat les Saxons et les Lombards, les force d’acheter leur retour d’Italie en Allemagne, et de payer tout ce qu’ils prennent sur la route[2].

L’origine de ces ministres gaulois des rois francs était souvent très basse. Rien ne les fait mieux connaître que l’histoire du serf Leudaste, qui devint comte de Tours. « Leudaste naquit dans l’île de Rhé, en Poitou, d’un nommé Léocade, serviteur chargé des vignes du fisc. On le fit venir pour le service royal, et il fut placé dans les cuisines de la reine ; mais comme il avait dans sa jeunesse les yeux chassieux, et que l’âcreté de la fumée leur était contraire, on le fit passer du pilon au pétrin. Quoiqu’il parût se plaire au travail de la pâte fermentée, il prit la fuite et quitta le service. On le ramena deux ou trois fois, et, ne pouvant l’empêcher de s’enfuir, on le condamna à avoir une oreille coupée. Alors, comme il n’était aucun crédit capable de cacher le signe d’infamie dont il avait été marqué en son corps, il s’enfuit chez la reine Marcovèfe, que le roi Charibert, épris d’un grand amour pour elle, avait appelée à son lit à la place de sa sœur.

  1. Frédégaire parle de la tyrannie fiscale d’un Protadius, maire du palais en 605, sous Theuderic, et favori de Brunehaut.
  2. App. 87.