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MÉROVINGIENS

romaine, femme pleine de grâce et d’insinuation, fut appelée, par son mariage avec Sigebert, dans la sauvage Ostrasie, dans cette Germanie gauloise, théâtre d’une invasion éternelle. Frédégonde, au contraire, génie tout barbare, s’empara de l’esprit du pauvre roi de Neustrie, roi grammairien et théologien, qui dut aux crimes de sa femme le nom de Néron de la France. Elle lui fit d’abord étrangler sa femme légitime, Galswinthe, sœur de Brunehaut ; puis ses beaux-fils y passèrent, puis son beau-frère Sigebert. Cette femme terrible, entourée d’hommes dévoués qu’elle fascinait de son génie meurtrier, dont elle troublait la raison par d’enivrants breuvages[1], frappait par eux ses ennemis. Les dévoués antiques de l’Aquitaine et de la Germanie, les sectateurs des Hassassins, qui, sur un signe de leur chef, allaient en aveugles tuer et mourir, se retrouvent dans les serviteurs de Frédégonde. Elle-même, belle et homicide tout entourée de superstitions païennes[2], nous apparaît comme une Walkyrie scandinave. Elle suppléa par l’audace et le crime à la faiblesse de la Neustrie, fit à ses puissants rivaux une guerre de ruse et d’assassinats, et sauva peut-être l’occident de la Gaule d’une nouvelle invasion des barbares[3].

  1. Grégoire de Tours. Frédégonde donne un breuvage à deux clercs pour qu’ils aillent assassiner Childebert.
  2. App. 88.
  3. « De Frédégonde te souvienne ! » dit saint Ouen à son ami Ébroin, défenseur de la Neustrie contre l’Ostrasie. — La prédominance appartint d’abord à la Neustrie. Depuis Clovis, et avant le complet anéantissement de l’autorité royale, sous les maires du palais, quatre rois ont réuni toute la