Quelle était la règle nouvelle à laquelle tant de monastères s’étaient soumis ? Les bénédictins[1] ne demandent pas mieux que de nous persuader qu’elle n’est autre que celle de saint Benoît, et les textes mêmes qu’ils allèguent prouvent évidemment le contraire. Par exemple, des religieuses obtiennent de saint Donat, disciple de saint Colomban, devenu évêque de Besançon, qu’il fera pour elles un rapprochement des règles de saint Césaire d’Arles, de saint Benoît, de saint Colomban ; saint Projectus en fit autant pour d’autres religieuses. Ces règles n’étaient donc pas les mêmes.
La règle de saint Colomban, opposée en ceci à la règle de saint Benoît, ne prescrit pas l’obligation d’un travail régulier ; elle assujettit le moine à un nombre énorme de prières. En général, elle ne porte pas cette empreinte d’esprit positif qui distingue l’autre à un si haut degré. Elle prescrit de même l’obéissance, mais elle ne laisse pas les peines à l’arbitraire de l’abbé : elle les indique d’avance pour chaque délit avec une minutieuse et bizarre précision. Dans cet étrange code pénal, bien des choses scandalisent le lecteur moderne. « Un an de pénitence pour le moine qui a perdu une hostie ; pour le moine qui a failli avec une femme, deux jours au pain et à l’eau, un jour seulement s’il
- ↑ L’Église de Rome était fortement intéressée à supprimer les écrits d’un ennemi, qui avait pourtant laissé dans la mémoire des peuples une si grande réputation de sainteté. Aussi la plupart des livres de saint Colomban ont péri. Quelques-uns se trouvaient encore au seizième siècle à Besançon et à Bobbio, d’où ils furent, dit-on, portés aux bibliothèques de Rome et de Milan.