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HISTOIRE DE FRANCE

blis dans l’Espagne, et bientôt leurs divisions les y retinrent. Mais les Frisons, les Saxons, les Allemands, étaient toujours appelés vers le Rhin par la richesse de la Gaule et par le souvenir de leurs anciennes invasions ; ce ne fut que par une longue suite d’expéditions que Charles-Martel parvint à les refouler. Avec quels soldats put-il faire ces expéditions ? Nous l’ignorons, mais tout porte à croire qu’il recrutait ses armées en Germanie. Il lui était facile d’attirer à lui des guerriers auxquels il distribuait les dépouilles des évêques et des abbés de la Neustrie et de la Bourgogne[1]. Pour employer ces mêmes Germains contre les Germains leurs frères, il fallut les faire chrétiens. C’est ce qui explique comment Charles devint vers la fin l’ami des papes, et leur soutien contre les Lombards. Les missions pontificales créèrent dans la Germanie une population chrétienne amie des Francs, et chaque peuplade dut se trouver partagée entre une partie païenne qui resta obstinément sur le sol de la patrie à l’état primitif de tribu, tandis que la partie chrétienne fournit des bandes aux armées de Charles-Martel, de Pepin et de Charlemagne.

L’instrument de cette grande révolution fut saint Boniface, l’apôtre de l’Allemagne. L’Église anglo-saxonne, à laquelle il appartient, n’était pas, comme celle d’Irlande, de Gaule ou d’Espagne, une sœur, une égale de celle de Rome ; c’était la fille des papes. Par cette Église, romaine d’esprit[2], germanique de langue,

  1. App. 111.
  2. App. 112.