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CARLOVINGIENS

enfermer Adalbert. Ce zèle âpre et farouche était au moins désintéressé. Après avoir fondé neuf évêchés et tant de monastères, au comble de sa gloire, à l’âge de soixante-treize ans, il résigna l’archevêché de Mayence à son disciple Lulle, et retourna simple missionnaire dans les bois et les marais de la Frise païenne, où il avait quarante ans auparavant prêché la première fois. Il y trouva le martyre.

Quatre ans avant sa mort (752), il avait sacré roi Pepin au nom du pape de Rome, et transporté la couronne à une nouvelle dynastie. Ce fils de Charles-Martel, seul maire par la retraite d’un de ses frères au mont Gassin et par la fuite de l’autre, était le bien-aimé de l’Église. Il réparait les spoliations de Charles-Martel ; il était l’unique appui du pape contre les Lombards. Tout cela l’enhardit à faire cesser la longue comédie que jouaient les maires du palais, depuis la mort de Dagobert, et à prendre pour lui-même le titre de roi. Il y avait près de cent ans que les Mérovingiens, enfermés dans leur villa de Maumagne ou dans quelque monastère, conservaient une vaine ombre de la royauté[1]. Ce n’était guère qu’au printemps, à l’ouverture du champ de mars, qu’on tirait l’idole de son sanctuaire, qu’on montrait au peuple son roi. Silencieux et grave, ce roi chevelu, barbu (c’étaient, quel que fût l’âge du prince, les insignes obligés de la royauté), paraissait, lentement traîné sur le char germanique, attelé de bœufs, comme celui de la déesse

  1. C’était comme le pontife-roi à Rome, le calife à Bagdad dans la décadence, ou le daïro au Japon.