Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 1.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
HISTOIRE DE FRANCE

s’usait dans ces déserts contre un insaisissable ennemi, qu’on ne savait où rencontrer. Mais ce qu’on rencontrait partout, c’étaient les plaines humides, les marais, les fleuves débordés. L’armée des Francs y laissa tous ses chevaux.

Nous disons toujours : l’armée des Francs ; mais ce peuple des Francs est le vaisseau de Thésée. Renouvelé pièce à pièce, il n’a presque plus rien de lui-même. C’était alors en Frise, en Saxe, tout autant qu’en Ostrasie, que se recrutaient les armées de Charlemagne. C’est sur ces peuples que tombaient effectivement les revers des Francs. Ce n’était pas assez de porter chez eux le joug des prêtres, il fallait, chose intolérable aux barbares, que, quittant le costume, les mœurs, la langue de leurs pères, ils allassent se perdre dans les bataillons des Francs, leurs ennemis, vainquissent, mourussent pour eux. Car ils ne revoyaient guère leur pays, envoyés à trois ou quatre cents lieues contre les Sarrasins de l’Espagne, ou les Lombards de Bénévent. Pour périr, les Saxons aimèrent mieux périr chez eux. Ils massacrèrent les lieutenants de Charlemagne, brûlèrent les églises, chassèrent ou égorgèrent les prêtres, et retournèrent avec passion au culte de leurs anciens dieux. Ils firent cause commune avec les Avares, au lieu de fournir une armée contre eux. La même année, l’armée du calife Hixêm, trouvant l’Aquitaine dégarnie de troupes, passa l’Èbre, franchit les marches et les Pyrénées, brûla les faubourgs de Narbonne et défit avec un grand carnage les troupes