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HISTOIRE DE FRANCE

prirent les faubourgs de Toulouse, pillèrent trois fois Bordeaux, saccagèrent Bayonne et d’autres villes au pied des Pyrénées. Toutefois, les montagnes, les torrents du Midi les découragèrent de bonne heure (depuis 864). Les fleuves d’Aquitaine ne leur permettaient pas de remonter aisément comme ils le faisaient dans la Loire, dans la Seine, dans l’Escaut et dans l’Elbe.

Ils réussirent mieux dans le Nord. Depuis que leur roi Harold eut obtenu du pieux Louis une province pour un baptême (826)[1], ils vinrent tous à cette pâture. D’abord ils se faisaient baptiser pour avoir des habits. On n’en pouvait trouver assez pour tous les néophytes qui se présentaient. À mesure qu’on leur refusa le sacrement dont ils se faisaient un jeu lucratif, ils se montrèrent d’autant plus furieux. Dès que leurs dragons, leurs serpents[2] sillonnaient les fleuves ; dès que le cor d’ivoire[3] retentissait sur les rives, personne ne regardait derrière soi. Tous fuyaient à la ville, à l’abbaye voisine, chassant vite les troupeaux ; à peine en prenait-on le temps. Vils troupeaux eux-mêmes, sans

  1. App. 177.
  2. Ils appelaient ainsi leurs barques, drakars, snekkars.
  3. Le cor d’ivoire joue un grand rôle dans les légendes relatives aux Normands, par exemple dans la légende bretonne de Saint-Florent : « Le moine Guallon fut envoyé à Saint-Florent… Lorsqu’il fut entré dans le couvent, il chassa des cryptes les laies sauvages qui s’y étaient établies avec leurs petits… Ensuite il alla trouver Hastings, le chef normand, qui résidait encore à Nantes… Lorsque le chef le vit venir à lui avec des présents, il se leva aussitôt et quitta son siège, et appliqua ses lèvres sur ses lèvres ; car il professait, dit-on, tellement quellement le christianisme… Il donna au moine un cor d’ivoire, appelé le Cor des tonnerres, ajoutant que, lorsque les siens débarqueraient pour le pillage, il sonnât de ce cor, et qu’il ne craignit rien pour son avoir aussi loin que le son pourrait être entendu des pirates. »