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HISTOIRE DE FRANCE

habitations séparées et enfermées de murailles, pour être éloignés du trop grand commerce avec les chrétiens et de leur familiarité dangereuse ; mais à présent ces infidèles étendent leur quartier ou le quittent entièrement, et logent pêle-mêle avec les chrétiens, et quelquefois dans les mêmes maisons. Ils cuisent aux mêmes feux, se servent des mêmes bancs, et ont une communication scandaleuse et dangereuse. » (Voy. Laboulinière, I, 82.)

Le mot de Crétin, selon Fodéré (ap. Dralet, t. I) vient de Chrétien, bon Chrétien, Chrétien par excellence, titre qu’on donne à ces idiots, parce que, dit-on, ils sont incapables de commettre aucun péché. On leur donne encore le nom de Bienheureux, et après leur mort on conserve avec soin leurs béquilles et leurs vêtements.

Dans une requête qu’ils adressèrent en 1514 à Léon X, sur ce que les prêtres refusaient de les ouïr en confession, ils disent eux-mêmes que leurs ancêtres étaient Albigeois. Cependant, dès l’an 1000, les Cagots sont appelés Chrétiens dans le Cartulaire de l’abbaye de Luc et l’ancien for de Navarre. Mais ce qui vient à l’appui de leur témoignage, c’est que, dans le Dauphiné et les Alpes, les descendants des Albigeois sont encore appelés Caignards, corruption de canards, parce qu’on les obligeait de porter sur leurs habits le pied de canard dont il est parlé dans l’histoire des Cagots de Béarn. Rabelais, pour la même raison, appelle Canards de Savoie les Vaudois Savoyards[1].

Les descendants des Sarrasins, continue Marca, auraient été aussi nommés Gésitains, comme ladres, du nom du Syrien Giezi, frappé de la lèpre pour son avarice. Les Juifs et les Agaréniens ou Sarrasins croyaient, selon les écrivains du moyen âge, échapper à la puanteur inhérente à leur race en se soumettant au baptême chrétien, ou en buvant le sang des enfants chrétiens. — Le P. Grégoire de Rostrenen (Dictionnaire celt.) dit que caccod en celtique signifie lépreux. En espagnol : gafo, lépreux ; gafi, lèpre. L’ancien for de Navarre, compilé vers 1074, du temps du roi Sanche Ramirez, parle des Gaffos et les traite

  1. Bullet croit trouver dans ce fait un rapport avec l’histoire de Berthe, la reine pédauque (pes aucæ, pied d’oie. Voy. mon IIe volume). Un passage de Rabelais indique qu’on voyait une image de la reine Pédauque à Toulouse. Les contes d’Eutrapel nous apprennent qu’on jurait à Toulouse par la quenouille de la reine Pédauque. Cette locution rappelle le proverbe : Du temps que la reine Berthe filait (Bullet, Mythologie française).