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PRÉFACE DE 1869

traire, les Français ralliant les forces armées, aguerries du Midi, se trouvèrent extrêmement forts. Mais cela n’avait pas d’accord. La personnalité charmante de cette jeune paysanne, d’un cœur tendre, ému, gai (l’héroïque gaieté éclate dans toutes ses réponses), fut un centre et réunit tout. Elle agit justement parce qu’elle n’avait nul art, nulle thaumaturgie, point de féerie, point de miracle. Tout son charme est l’humanité. Il n’a pas d’ailes, ce pauvre ange ; il est peuple, il est faible, il est nous, il est tout le monde.


Dans les galeries solitaires des Archives où j’errai vingt années, dans ce profond silence, des murmures cependant venaient à mon oreille. Les souffrances lointaines de tant d’âmes étouffées dans ces vieux âges se plaignaient à voix basse. L’austère réalité réclamait contre l’art, et lui disait parfois des choses amères : « A quoi t’amuses-tu ? Es-tu un Walter Scott pour conter longuement le détail pittoresque, les grasses tables de Philippe-le-Bon, le vain vœu du Faisan ? Sais-tu que nos martyrs depuis quatre cents ans t’attendent ? Sais-tu que les vaillants de Courtrai, de Rosebecque, n’ont pas le monument que leur devait l’histoire ? » Les chroniqueurs gagés, le chapelain Froissart, le