Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 16.djvu/29

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Lorsque Bernis arrivait avec ses yeux égarés, lui montrait le gouffre béant, lui disait que le danger, la haine et la fureur publique, les regardaient eux deux seuls, qu’on n’accusait qu’elle et lui, elle était sourde et muette, ouvrait de grands yeux, nobles, tristes, le laissait dire, s’agiter. « Je suis le ministre des limbes », disait-il, du monde des rêves, incertain, vague et flottant. Elle, elle ne flottait point. Poussée par ses trois Lorraines, elle travaillait en dessous à se délivrer de Bernis.

Il ne demandait pas mieux. Il brûlait de se sauver, pourvu qu’il fût cardinal, abrité par le chapeau. Il avait un double péril. Sa dangereuse princesse, l’Infante, l’avait fourré dans les fils obscurs d’une intrigue nouvelle qui pouvait mettre contre lui et le roi et le Dauphin, de plus trois rois étrangers. Il croyait voir déjà la foudre, croyait que, sans la robe rouge, il était en grand danger.

L’Infante qui rêvait tous les trônes, et Milan, et les Pays-Bas, et la Pologne, et les Siciles, se jetait à ce moment dans un nouvel imbroglio. En août 1758, la mort de la reine d’Espagne, et la mort prochaine du roi Ferdinand, lui firent faire un plan hardi. Ferdinand, fils d’un premier lit, aimait peu son frère D. Carlos, roi de Naples, qui était pourtant son héritier naturel. Ne pouvait-on le décider à adopter D. Philippe, duc de Parme, mari de l’Infante ? Rome et les Jésuites auraient applaudi. Les Jésuites, maîtres de l’Espagne, avaient en horreur D. Carlos, frémissaient de le voir venir. Ce prince, livré aux avocats,