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TABLEAU DE LA FRANCE

diverses par quoi la France touche le monde, par où elle a prise sur lui. Pousse donc, ma belle et forte France, pousse les longs flots de ton onduleux territoire au Rhin, à la Méditerranée, à l’Océan. Jette à la dure Angleterre la dure Bretagne, la tenace Normandie ; à la grave et solennelle Espagne oppose la dérision gasconne ; à l’Italie la fougue provençale ; au massif Empire germanique, les solides et profonds bataillons de l’Alsace et de la Lorraine ; à l’enflure, à la colère belge, la sèche et sanguine colère de la Picardie, la sobriété, la réflexion, l’esprit disciplinable et civilisable des Ardennes et de la Champagne.

Pour celui qui passe la frontière et compare la France aux pays qui l’entourent, la première impression n’est pas favorable. Il est peu de côtés où l’étranger ne semble supérieur. De Mons à Valenciennes, de Douvres à Calais, la différence est pénible. La Normandie est une Angleterre, une pâle Angleterre. Que sont pour le commerce et l’industrie, Rouen, le Havre, à côté de Manchester et de Liverpool ? L’Alsace est une Allemagne, moins ce qui fait la gloire de l’Allemagne : l’omniscience, la profondeur philosophique, la naïveté poétique[1]. Mais il ne faut pas prendre ainsi la France pièce à pièce, il faut l’embrasser dans son ensemble. C’est justement parce que la centralisation est puissante, la vie commune, forte et énergique, que la vie

  1. Je ne veux pas dire que l’Alsace n’ait rien de tout cela, mais seulement qu’elle l’a généralement dans un degré inférieur à l’Allemagne. Elle a produit, elle possède encore plusieurs illustres philologues. Toutefois la vocation de l’Alsace est plutôt pratique et politique. La seconde maison de Flandre et celle de Lorraine-Autriche sont alsaciennes d’origine.