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HISTOIRE DE FRANCE

terres, de maisons, de serfs. Tous ces actes portent l’empreinte d’une même croyance : « Le soir du monde approche, disent-ils ; chaque jour entasse de nouvelles ruines ; moi, comte ou baron, j’ai donné à telle église pour le remède de mon âme… » Ou encore : « Considérant que le servage est contraire à la liberté chrétienne, j’affranchis un tel, mon serf de corps, lui, ses enfants et ses hoirs. »

Mais le plus souvent tout cela ne les rassurait point, ils aspiraient à quitter l’épée, le baudrier, tous les signes de la milice du siècle ; ils se réfugiaient parmi les moines et sous leur habit ; ils leur demandaient dans leurs couvents une toute petite place où se cacher. Ceux-ci n’avaient d’autre peine que d’empêcher les grands du monde, les ducs et les rois de devenir moines, ou frères convers. Guillaume Ier, duc de Normandie, aurait tout laissé pour se retirer à Jumièges, si l’abbé le lui eût permis. Au moins, il trouva moyen d’enlever un capuchon et une étamine, les emporta avec lui, les déposa dans un petit coffre, et en garda toujours la clef à sa ceinture[1]. Hugues Ier, duc de Bourgogne, et avant lui l’empereur Henri II, auraient bien voulu aussi se faire moines. Hugues en fut empêché par le pape. Henri, entrant dans l’église de l’abbaye de Saint-Vanne, à Verdun, s’était écrié avec le Psalmiste : « Voici le repos que j’ai choisi, et mon habitation aux siècles des siècles ! » Un religieux l’entendit, et avertit l’abbé. Celui-ci appela l’empereur dans le

  1. Guillaume de Jumièges.