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LA CROISADE

nant dans leur simplicité tout ce qui leur plaisait : par exemple les plombs des églises pour les revendre aux Grecs[1]. Le sacré palais n’était pas plus respecté. Tout ce peuple de scribes et d’eunuques ne leur imposait guère. Ils n’avaient pas assez d’esprit et d’imagination pour se laisser saisir aux pompes terribles, au cérémonial tragique de la majesté byzantine. Un beau lion d’Alexis, qui faisait l’ornement et l’effroi du palais, ils s’amusèrent à le tuer.

C’était une grande tentation que cette merveilleuse Constantinople pour des gens qui n’avaient vu que les villes de boue de notre Occident. Ces dômes d’or, ces palais de marbre, tous les chefs-d’œuvre de l’art antique entassés dans la capitale depuis que l’empire s’était tant resserré ; tout cela composait un ensemble étonnant et mystérieux qui les confondait ; ils n’y entendaient rien : la seule variété de tant d’industries et de marchandises était pour eux un inexplicable problème. Ce qu’ils y comprenaient, c’est qu’ils avaient grande envie de tout cela ; ils doutaient même que la ville sainte valut mieux. Nos Normands et nos Gascons auraient bien voulu terminer là la croisade ; ils auraient dit volontiers comme les petits enfants dont parle Guibert : « N’est-ce pas là Jérusalem ? »

Ils se souvinrent alors de tous les pièges que les Grecs leur avaient dressés sur la route : ils prétendirent qu’ils leur fournissaient des aliments nuisibles, qu’ils empoisonnaient les fontaines, et leur imputè-

  1. Ceci ne se rapporte, il est vrai, qu’à la troupe conduite par Pierre-L’Ermite.