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SUITE DE LA CROISADE. — LES COMMUNES

vert de mon corps au siège d’Antioche ou de Jérusalem. »

Il dut y avoir aussi des aventures bizarres, des fortunes étranges. Dans cette mortalité terrible, lorsque tant de nobles avaient péri, ce fut souvent un titre de noblesse d’avoir survécu. L’on sut alors ce que valait un homme. Les serfs eurent aussi leur histoire héroïque. Les parents de tant de morts se trouvèrent parents des martyrs. Ils appliquèrent à leurs pères, à leurs frères, les vieilles légendes de l’Église. Ils surent que c’était un pauvre homme qui avait sauvé Antioche en trouvant la sainte lance, et que les fils et les frères des rois s’étaient sauvés d’Antioche. Ils surent que le pape n’était point allé à la croisade, et que la sainteté des moines et des prêtres avait été effacée par la sainteté d’un laïque, de Godefroi de Bouillon.

L’humanité recommença alors à s’honorer elle-même dans les plus misérables conditions. Les premières révolutions communales précèdent ou suivent de près l’an 1100. Ils s’avisèrent que chacun devait disposer du fruit de son travail, et marier lui-même ses enfants ; ils s’enhardirent à croire qu’ils avaient droit d’aller et de venir, de vendre et d’acheter, et soupçonnèrent, dans leur outrecuidance, qu’il pouvait bien se faire que les hommes fussent égaux.

Jusque-là cette formidable pensée de l’égalité ne s’était pas nettement produite. On nous dit bien que dès avant l’an 1000 les paysans de la Normandie s’étaient ameutés : mais cette tentative fut réprimée