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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/22

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HISTOIRE DE FRANCE

femme y travaille plus que l’homme, et dans les îles d’Ouessant elle y est plus grande et plus forte. C’est qu’elle cultive la terre ; lui, il reste assis au bateau, bercé et battu par la mer, sa rude nourrice. Les animaux aussi s’altèrent et semblent changer de nature. Les chevaux, les lapins sont d’une étrange petitesse dans ces îles.

Asseyons-nous à cette formidable pointe du Raz, sur ce rocher miné, à cette hauteur de trois cents pieds, d’où nous voyons sept lieues de côtes. C’est ici, en quelque sorte, le sanctuaire du monde celtique. Ce que vous apercevez par delà la baie des Trépassés, est l’île de Sein, triste banc de sable sans arbres et presque sans abri ; quelques familles y vivent, pauvres et compatissantes, qui, tous les ans, sauvent des naufragés. Cette île était la demeure des vierges sacrées qui donnaient aux Celtes beau temps ou naufrage. Là, elles célébraient leur triste et meurtrière orgie ; et les navigateurs entendaient avec effroi de la pleine mer le bruit des cymbales barbares. Cette île, dans la tradition, est le berceau de Myrdhyn, le Merlin du moyen âge. Son tombeau est de l’autre côté de la Bretagne, dans la forêt de Broceliande, sous la fatale pierre où sa Vyvyan l’a enchanté.

Tous ces rochers que vous voyez, ce sont des villes englouties ; c’est Douarnenez, c’est Is, la Sodome bretonne ; ces deux corbeaux, qui vont toujours volant lourdement au rivage, ne sont rien autre que les âmes du roi Grallon et de sa fille ; et ces sifflements qu’on croirait ceux de la tempête, sont les