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HISTOIRE DE FRANCE

quer l’attaque. Mais Henri craignit d’être abandonné de ses vassaux, s’il risquait une violation si éclatante de la loi féodale. Le belliqueux chancelier n’eut pour dédommagement que la gloire d’avoir combattu et désarmé un chevalier ennemi.

L’entretien des troupes mercenaires que Becket avait conseillées à Henri, et qui lui étaient si nécessaires contre ses barons, exigeait des dépenses pour lesquelles toutes les ressources de la fiscalité normande eussent été insuffisantes. Le clergé seul pouvait payer ; il avait été richement doté par la conquête. Henri voulut avoir l’Église dans sa main. Il fallait d’abord s’assurer de la tête, je veux dire de l’archevêché de Kenterbury. C’était presque un patriarcat, une papauté anglicane, une royauté ecclésiastique, indispensable pour compléter l’autre. Henri résolut de la prendre pour lui, en la donnant à un second lui-même, à son bon ami Becket ; réunissant alors les deux puissances, il eût élevé la royauté à ce point qu’elle atteignit au seizième siècle, entre les mains d’Henri VIII, de Marie et d’Élisabeth. Il lui était commode de mettre la primatie sous le nom de Becket, comme naguère il y avait mis une armée. C’était, il est vrai, un Saxon ; mais le Saxon Breakspear[1] venait bien d’être élu pape précisément à l’époque de l’avènement d’Henri II (Adrien IV). Becket lui-même y répugnait : « Prenez garde, dit-il, je deviendrai votre plus grand ennemi[2]. » Le roi ne

  1. C’est le seul Anglais qui ait été pape.
  2. « Citissime a me auferes animum ; et gratia, quæ nunc inter nos tanta est, in atrocissimum odium convertetur. »