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LOUIS-LE-JEUNE ET HENRI II (PLANTAGENET)

ples, se brisât contre la volonté d’un homme : qu’après tant de succès faciles, il se présentât un obstacle, c’est aussi trop fort à supporter pour cet enfant gâté de la fortune. Il se désolait, il pleurait.

Les gens zélés ne manquaient pas pourtant pour consoler le roi, et tâcher de satisfaire son envie. On essaya dès 1164. L’archevêque fut contraint, malade et faible encore, de se présenter devant la cour des barons et des évêques. Le matin, il célébra l’office de saint Étienne, premier martyr, qui commence par ces mots : « Les princes se sont assis en conseil pour délibérer contre moi. » Puis il marcha courageusement, et se présenta revêtu de ses habits pontificaux et portant sa grande croix d’argent. Cela embarrassa ses ennemis. Ils essayèrent en vain de lui arracher sa croix. Revenant aux formes juridiques, ils l’accusèrent d’avoir détourné les deniers publics, puis d’avoir célébré la messe sous l’invocation du diable, et ils voulaient le déposer. On l’aurait tué alors en sûreté de conscience. Le roi attendait impatiemment. Les voies de fait commençaient déjà ; quelques-uns rompaient des pailles et les lui jetaient. L’archevêque en appela au pape, se retira lentement, et les laissa interdits. Ce fut là la première tentation, la comparution devant Hérode et Caïphe. Tout le peuple attendait dans les larmes. Lui, il fit dresser des tables, appela tout ce qu’on put trouver de pauvres dans la ville, et fit comme la Cène avec eux[1]. La nuit même il partit, et parvint avec peine sur le continent.

  1. Dixit : « Sinite pauperes Christi… omnes intrare nobiscum, ut epule-