Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
TABLEAU DE LA FRANCE

enivré de la poésie de son crime, quel torrent révolutionnaire que cette Loire !

C’est à Saint-Florent, au lieu même où s’élève la colonne du Vendéen Bonchamps, qu’au neuvième siècle le Breton Noménoé, vainqueur des Northmans, avait dressé sa propre statue ; elle était tournée vers l’Anjou, vers la France, qu’il regardait comme sa proie[1]. Mais l’Anjou devait l’emporter. La grande féodalité dominait chez cette population plus disciplinable ; la Bretagne, avec son innombrable petite noblesse, ne pouvait faire de grande guerre ni de conquête. La noire ville d’Angers porte, non seulement dans son vaste château et dans sa tour du Diable, mais sur sa cathédrale même, ce caractère féodal. Cette église de Saint-Maurice est chargée, non de saints, mais de chevaliers armés de pied en cap : toutefois ses flèches boiteuses, l’une sculptée, l’autre nue, expriment suffisamment la destinée incomplète de l’Anjou. Malgré sa belle position sur le triple fleuve de la Maine, et si près de la Loire, où l’on distingue à leur couleur les eaux des quatre provinces, Angers dort aujourd’hui. C’est bien assez d’avoir quelque temps réuni sous ses Plantagenets l’Angleterre, la Normandie, la Bretagne et l’Aquitaine ; d’avoir plus tard, sous le bon René et ses fils, possédé, disputé, revendiqué du moins les trônes de Naples, d’Aragon, de Jérusalem et de Provence, pendant que sa fille Marguerite soutenait la Rose rouge contre la Rose

  1. Charles-le-Chauve, à son tour, s’en fit élever une en regard de la Bretagne.