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HISTOIRE DE FRANCE

que des troupes de gens armés se tenaient en observation sur la côte d’Angleterre, pour saisir ou tuer l’archevêque. « Mon fils, répondit Thomas, quand j’aurais la certitude d’être démembré et coupé en morceaux sur l’autre bord, je ne m’arrêterais point dans ma route. C’est assez de sept ans d’absence pour le pasteur et pour le troupeau. — Je vois l’Angleterre, dit-il encore, et j’irai, Dieu aidant. Je sais pourtant certainement que j’y trouverai ma Passion. » La fête de Noël approchait, et il voulait, à tout prix, célébrer dans son église la naissance du Sauveur.

Quand il approcha du rivage, et qu’on vit sur sa barque la croix de Kenterbury qu’on portait toujours devant le primat, la foule du peuple se précipita, pour se disputer sa bénédiction. Quelques-uns se prosternaient, et poussaient des cris. D’autres jetaient leurs vêtements sous ses pas, et criaient : Béni celui qui vient au nom du Seigneur ! Les prêtres se présentaient à lui à la tête de leurs paroisses. Tous disaient que le Christ arrivait pour être crucifié encore une fois, qu’il allait souffrir pour Kent, comme à Jérusalem il avait souffert pour le monde[1]. Cette foule intimida les Normands qui étaient venus avec de grandes menaces, et qui avaient tiré leurs épées. Pour lui, il parvint à Kenterbury au son des hymnes et des cloches, et montant en chaire, il prêcha sur ce texte : « Je suis venu pour mourir au milieu de vous. » Déjà il avait écrit au pape pour lui demander de dire à son intention les prières des agonisants[2].

  1. Vita quadrip. ; Jean de Salisbury.
  2. Roger de Hoveden.