Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
311
INNOCENT III

mure, il y a, nous l’avons éprouvé, quelque chose qui porte à la tête : une sombre poésie de révolte. Les gens de Gand, de Bruges, d’Ypres, armés, enrégimentés d’avance, se trouvaient au premier coup de cloche sous la bannière du burgmeister ; pourquoi ? Ils ne le savaient pas toujours, mais ils ne s’en battaient que mieux. C’était le comte, c’était l’évêque, ou leurs gens qui en étaient la cause. Ces Flamands n’aimaient pas trop les prêtres ; ils avaient stipulé, en 1193, dans les privilèges de Gand, qu’ils destitueraient leurs curés et chapelains à volonté.

Bien loin de là, au fond des Alpes, un principe différent amenait des révolutions analogues. De bonne heure, les montagnards piémontais, dauphinois, gens raisonneurs et froids, sous le vent des glaciers, avaient commencé à repousser les symboles, les images, les croix, les mystères, toute la poésie chrétienne. Là, point de panthéisme comme en Allemagne, point d’illuminisme comme aux Pays-Bas ; pur bon sens, raison simple, solide et forte, sous forme populaire. Dès le temps de Charlemagne, Claude de Turin entreprit cette réforme sur le versant italien ; elle fut reprise, au douzième siècle, sur le versant français par un homme de Gap ou d’Embrun, de ce pays qui fournit de maîtres d’école nos provinces du sud-est. Cet homme, appelé Pierre de Bruys, descendit dans le Midi, passa le Rhône, parcourut l’Aquitaine, toujours prêchant le peuple avec un succès immense. Henri, son disciple, en eut encore plus ; il pénétra au nord jusque dans le Maine ; partout la foule les suivait ; laissant là le clergé,